Dans l’atelier d’Alain Quéguiner
Spécialiste de la guitare folk, Alain Quéguiner appartient à cette génération de luthiers qui se sont lancés dans le métier au début des années 80. Reconnu aujourd’hui, à l’instar de son ami Franck Cheval, comme un des fleurons de la lutherie française, Alain nous a ouvert les portes de son atelier, situé rue Victor Chevreuil (Paris 12e).
Comme pour beaucoup de luthiers, la passion du métier, est née, chez Alain, d’un goût pour l’instrument. « Avec mon ami Dominique Bouges (luthier aujourd’hui installé en Bourgogne, ndr), on faisait des petits morceaux de flatpicking (Doc Watson, Clarence Wight…), et puis en allant chercher des partitions chez Beuscher, on est tombés sur un bouquin d’Irving Sloane, Classic Guitar Making, et là ça a été vraiment le coup de passion », explique-t-il. Début 80, il se met donc à fabriquer « une bonne dizaine de guitares classiques, alors qu’en fait, c’était le folk qui nous intéressait ! ». Pour s’initier aux secrets de la guitare folk, Alain décide d’aller faire un tour aux Etats-Unis. « Je suis allé chez Bozo (Podunavac, d’origine serbe, ndr), un spécialiste des 12 cordes, qui en a fait pour Gary Davis, Leo Kottke… vraiment une pointure ! C’était un type qui travaillait vraiment tout manuellement, contrairement à la quasi-totalité des luthiers américains… J’ai passé trois mois là-bas. Je suis revenu avec deux guitares et un bouquin, sur lequel j’ai tout noté. Mais ça m’a donné surtout confiance en moi. » Quéguiner devient alors un des premiers luthiers français à se spécialiser dans la guitare folk. « Il y avait Didier Pavy, qui avait fait des guitares pour Dan Ar Braz, nous rappelle-t-il. Lui, il nous impressionnait un peu, parce qu’il était là avant nous… Avec Dominique, on a commencé à faire quelques expositions. Il y avait à l’époque un festival de lutherie à Ris Orangis. C’est là qu’on a fait la connaissance de Franck Cheval, de Roger Buro, qui commençaient aussi. » Cet événement marquera notamment la naissance d’une longue amitié entre Alain et Franck. En 1986, Alain s’installe officiellement « dans la petite maison familiale », se réservant un atelier de 20m2, qu’il occupe toujours aujourd’hui, assorti d’un sous-sol de 30m2 (pour les machines et la cabine de vernis). Très tôt, il décide de façonner sa ligne, en proposant ses propres modèles. « J’ai fait quelques variantes de nylon pour des gens qui font du jazz, mais ma production, c’est 95% de folk, bien sûr, avec des modèles que j’ai dessinés. Je me suis démarqué assez rapidement… J’aime bien les formes un peu féminines, des formes douces, qui se prêtent très bien aussi à l’ajout d’un pan coupé. » Il mettra un peu moins d’une dizaine d’années à imposer son style, sa signature. « Dans les années 95, j’ai commencé vraiment à avoir un son qui me plaisait. » Trente ans après la création de l’atelier, Alain en sera bientôt à sa 400ème guitare (« les premières, je ne les avais pas toutes notées, je considérais ça comme des essais ! »), et bien qu’il y ait maintenant trente mois de délai à la commande avant d’avoir le plaisir d’étrenner une Quéguiner, le luthier n’en a pas perdu pour autant l’humilité qui le caractérise : « Tu vois, là je commence à travailler l’adirondack, eh bien je suis pas encore tout à fait sûr, j’ai pas une constance comme avec mes modèles en sitka. Je note, je suis très attentif, mais ça demande encore un petit peu de travail ! » (rires). •
Kravitz, Renaud, Le Forestier, Cullaz et les autres… « La première rencontre professionnellement vraiment primordiale, c’était Pierre Cullaz. J’avais fait une guitare à un de ses élèves, et je reçois un coup de fil de Monsieur Pierre Cullaz – j’étais très impressionné ! Pierre a acheté deux de mes guitares, ce qui m’a ouvert évidemment à quelques guitaristes qui penchaient un peu vers le jazz. Il y a cette rencontre-là. Après, il y a eu Le Forestier, qui a été aussi très important… Son backliner – qui travaillait à l’époque avec Renaud (pour qui j’ai fait aussi pas mal d’instruments) – m’appelle : « Ecoute, Maxime est en répétition, il veut acheter une belle guitare. Je lui ai parlé de toi… Viens ! ». Ni une ni deux, j’ai sauté dans ma voiture ! Quand Maxime est arrivé, j’ai vu que l’impression était favorable. Il a joué, et il a fait le concert avec ma guitare. Incroyable ! C’est comme ça que ça a commencé… Renaud m’a fait faire quatre guitares. Il m’en a même acheté une pour l’offrir à Franck Langolff (qui a fait « Joe le Taxi » et nombre de chansons pour Renaud, « La Mère à Titi » entre autres), un geste super élégant ! Et Langolff a fait la même chose : il m’a acheté une guitare pour l’offrir à Lenny Kravitz… Je n’ai jamais rencontré Lenny Kravitz, mais j’ai une photo où il joue ma guitare, sur scène ! »
Joël Roulleau Guitariste professionnel dès l’âge de 22 ans, compositeur (Le Chant de l’Eau et Le Chant des Saisons, chez ADF-Bayard Musique), accompagnateur d’Annie Cordy, de Charles Trénet, et surtout de Pierre Perret depuis près d’une trentaine d’années, Joël Roulleau nous présente deux de ses guitares favorites, construites par Alain Quéguiner : un modèle Jumbo, en cèdre et acajou, et un modèle Studio, en épicéa et palissandre. |
Dominique Cravic Créateur des Primitifs du Futur avec le dessinateur/musicien Robert Crumb, ultime accompagnateur d’Henri Salvador, Dominique Cravic est un inconditionnel de sa guitare Quéguiner, qu’il pratique désormais quasi exclusivement et nous présente ici dans le détail. A noter la sortie d’un nouvel album, « Gus versus Tony » (à paraître chez Frémeaux & Associés), en compagnie de l’accordéoniste Daniel Colin. Interview à venir sur notre site ! |