NGUYEN LE

Nguyên Lê

L’imaginaire et les racines

« Hà Nôi Duo », « c’est l’idée de la rencontre entre deux musiciens vietnamiens d’aujourd’hui, l’un né au Vietnam avec toute la tradition de ce pays, l’autre né en France, devenu musicien de jazz, mais aussi avec ses racines lointaines », explique Nguyên Lê.

Nguyen Le & Ngo Hong Quang2_by Dominique Borker
© Dominique Borker

Ce nouvel album du guitariste met donc en scène sa rencontre avec le musicien traditionnel vietnamien Ngô Hông Quang (chant, violon vietnamien, monocorde – instrument emblématique du Viêt-nam ! –, luth, guimbarde…). Comme à son habitude, Nguyên apporte le plus grand soin à confectionner l’écrin mettant en valeur la ou les personnalités, ou les cultures, avec lesquelles il dialogue – un « exercice de style » (tout autant qu’une philosophie) dans lequel il est passé maître depuis une vingtaine d’années (son album emblématique en la matière, « Tales from Viêt-nam », datant de 1996).

Quang, que Nguyên rencontre à Saïgon il y a trois-quatre ans lors d’un spectacle, fait partie des « musiciens traditionnels d’aujourd’hui », maîtrisant aussi bien leur propre idiome que le solfège et l’harmonie. Ce « double bagage », tout comme la proximité géographique entre les deux musiciens (Quang habite Amsterdam), a « rendu possible » l’existence du duo. Pour Nguyên, le jazz (« musique virtuose, d’improvisation, d’interaction »), a été une école d’ouverture, qui lui permet aujourd’hui d’aborder le répertoire traditionnel avec un regard neuf. « Ce qui m’intéressait là, c’est aussi de montrer que cette tradition est vivante, et qu’il y a de jeunes musiciens vivants qui peuvent l’incarner… Aujourd’hui, il faut continuer à écrire des morceaux comme s’ils étaient traditionnels, et les jouer avec tout ce que 2017 nous apporte. » « J’adore la musique traditionnelle, reprend Nguyên, c’est quelque chose d’essentiel, qui m’inspire énormément depuis des années, mais en même temps, je ne suis pas un musicien traditionnel. Je ne sais pas jouer « texto » tous les morceaux du répertoire qu’ont joués nos arrière-grands-pères… »

Le guitariste, par ses arrangements et son jeu de guitare, met donc ses partenaires « en situation » : « C’est ça qui est intéressant, ce dialogue qui va s’instaurer entre les générations et les continents. » Pour ce faire, Nguyên a poussé assez loin ses recherches, entre autres du côté de la musique vietnamienne, notamment dans les façons de « toucher la corde », et la connaissance des « styles » (« qui appartiennent à chaque région »). « Toutes ces différences, c’est vraiment des choses dans le jeu, dans les quarts de ton, les ornements, le placement des ornements, les ornements spécifiques par rapport à tel degré du mode, ça j’ai un peu appris quand même… En plus, la guitare est un instrument traditionnel là-bas. » Même si les « vrais » guitaristes traditionnels vietnamiens jouent la guitare à touche creusée, accordée comme un luth traditionnel, avec des quintes et des notes redoublées, sur laquelle on « bende » entre les frettes, à l’intérieur (une technique héritée du luth, qu’on retrouve dans le style de guitare « cailuong », très présent dans la musique du sud).


« J’adore la musique traditionnelle, qui m’inspire énormément depuis des années, mais je ne suis pas un musicien traditionnel ».


Outre Ngô Hông Quang, d’autres personnalités apparaissent également dans cet album, tels la joueuse de koto japonaise Mieko Myazaki ou le trompettiste sarde Paolo Fresu, partenaire de longue date du guitariste. « Pour moi un frère musical, explique Nguyên. J’essaie toujours de l’inviter dans les projets qui me tiennent à cœur. Je pensais que ce serait très intéressant d’avoir sa couleur unique, à la fois très jazz, très moderne et très lyrique, et que ça pourrait coller très bien avec ce monde vietnamien très ouvert que je veux développer. » Du duo initial, le projet débouche donc sur une « expérience de partage », à valeur universelle.

Fidèle aux guitares du luthier Julien Gendre (il en possède trois, dont un modèle acoustique « Bamboo », qu’il utilise pour jouer Tinh Dan, sixième pièce de l’album, interprétée ici en direct), Nguyên vient par ailleurs d’acquérir une guitare électro-acoustique, afin de pouvoir transposer cette expressivité sur scène (« l’important, finalement, c’est l’expression »). « J’adore le son acoustique, mais en même temps j’avoue, je ne suis pas un « guitariste acoustique », reconnaît-il. Pour moi, c’est deux métiers différents en fait, deux touchers complètement différents. » Avec le modèle « AcustiVibe » de chez Manne, une solid body creusée, équipée d’un micro magnétique et d’un piézo spécialement adapté, construite par le luthier italien Andrea Ballarin, le guitariste a trouvé ses marques. On pourra d’ailleurs l’entendre jouer cet instrument (entre autres !) lors du concert prévu le 6 mars au New Morning (Paris).

Cover

Site artiste : www.nguyen-le.com

Sites lutherie : www.juliengendre.com, www.manne.com

Écrit par