Louis Winsberg
Jaleo : Acte III !
Depuis le début des années 2000, Louis Winsberg s’est lancé dans une aventure au long cours avec le projet « Jaleo », tentative de fusion entre le jazz et le flamenco. Plus proche de ses racines, cet ancrage résolument méditerranéen a évidemment impacté sa trajectoire de guitariste. Le troisième opus du groupe, « For Paco » (Label Bleu/L’Autre Distribution), propose un hommage au grand Paco de Lucia.
« Quand je me ballade quelque part, raconte Louis, j’aime bien me perdre un peu, aller prendre une ruelle. Je sais pas où ça mène, mais j’y vais. Et très souvent, pas à chaque fois, parce que parfois il ne se passe rien, mais très souvent, tu découvres des choses en fait. » Ainsi de son rapport à la musique en général, et au flamenco en particulier. Cette histoire remonte également à son enfance. « C’est très lié à la peinture de mes parents. C’est clair ! Parce que je suis allé en Espagne quand j’avais deux ans. J’ai des souvenirs d’odeurs et de lumières, des choses très fortes en fait. Et puis j’ai vu des photos. Je ne sais pas si c’est à cause de ça que je me rappelle ! En tout cas, il y a des choses qui sont passées dans ma vie, comme les fiestas gitanes à Eygalières, à la maison… »
Le déclic
Bien que Louis ait toujours écouté Paco de Lucia (« un exemple de profondeur et de sérieux », dans le bon sens du terme), sa « conversion » au flamenco s’inscrit à un point donné de son parcours : « Le déclic que j’ai eu à un moment très précis de ma vie, quand j’avais à peu près trente ans, m’est venu en écoutant pour la millième fois un de ses disques, « Solo Quiero Caminar », l’intro, le tout début. Je ne sais pas pourquoi, j’ai eu comme une révélation mystique, très puissante, et je me suis dit : il faut que je fasse quelque chose ! Dès le lendemain matin (j’habitais encore à Paris à l’époque), j’ai pris les pages jaunes, et j’ai cherché « flamenco » à Paris. Et je suis tombé sur Flamenco en France, une petite association. J’ai appelé, et j’ai rencontré des gens, dont Jean-Baptiste Marino. Ça a démarré comme ça ! ».
Chez moi, quand je prends la guitare, c’est la nylon ! C’est celle avec laquelle je ne me pose pas de questions. Je plaque un accord, je suis bien !
La greffe
Il s’écoulera ensuite une dizaine d’années (entre 1991 et 2000), pendant lesquelles Louis découvre patiemment ce nouvel idiome. Le temps de l’initiation… « Je me rappelle que tous mes copains guitaristes de l’époque me regardaient un peu de travers (« Mais à quoi il s’attaque là ! »). » Aujourd’hui, Louis se considère toujours en la matière « comme un apprenti ». « Je reste un musicien de jazz, et je prends pas mal d’éléments du flamenco pour nourrir mon jeu de guitare, ma musique, mes compositions… C’est un peu ça qui a donné Jaleo. » La naissance du premier Jaleo est donc une longue histoire d’ « interpénétrations », rassemblant des personnalités venues du flamenco (Isabel Pelaez, Jose Montealegre, Jean-Baptiste Marino, Miguel Sanchez) et d’autres venues du jazz (Jean-Christophe Maillard, Norbert Lucarain). « Souvent ce qui se passe, reprend Louis, c’est que chacun vient avec son univers (même s’ils sont compatibles), pour faire un truc… Nous ce qu’on a fait, et une ville comme Paris est vraiment bien pour ça, c’est qu’on s’est vus, on a vécu ensemble, on a travaillé, on s’est montré des choses les uns les autres. Il y a comme une sorte de greffe qui s’opère, ça prend du temps… ».
« For Paco »
Après le succès d’un premier album, sorti chez Universal Jazz, suivi de « Le Bal des Suds » (en 2005), Louis se retrouve temporairement embarqué dans d’autres projets (collaboration avec la chanteuse Maurane, projet « Marseille Marseille », trio Gypsy Eyes), « mais dans ma tête, Jaleo ne s’est jamais arrêté pour autant… ». D’où la parution de ce troisième opus ! « Dans celui-là, précise Louis, je suis seul à faire les guitares flamenca. Donc j’ai plus assumé cette couleur-là, sans être réellement « vraiment flamenco ». Mais c’est quand même très inspiré de la guitare flamenca, notamment au niveau des rythmiques et du son de la guitare. » Autre particularité de cet album, la présence importante des voix : « Il y a un travail sur les voix qui est assez approfondi… Ce que je cherche, c’est plus des contrepoints, des contrechants… Amener de l’harmonie et arriver à les inscrire dans un chant qui soit chantable par un flamenco. »
Cordes nylon
« Quand je suis chez moi, quand je prends la guitare, c’est la nylon ! C’est celle avec laquelle je ne me pose pas de questions. Je plaque un accord, je suis bien ! Pour moi il y a un truc plus doux, plus naturel… J’ai une Camps que j’aime bien ; une flamenca que je joue moins souvent, achetée à Grenade (une German Perez Barranco) ; et puis aussi une petite Cordoba que j’avais achetée à Chicago (que j’appelle « la chicago » !). Entre ces trois-là, je navigue un peu… Quant à celle-ci, une Conde Hermanos de 2002, achetée il n’y a pas très longtemps, que je joue beaucoup dans l’album, c’est vraiment le pied ! ».
Boucler la boucle
« Pour moi, il y avait une espèce de boucle sur les trois Jaleo. Parce que depuis le début, je pensais en faire trois, de ce projet. Je pensais vraiment que ça allait « boucler la boucle »…
Mais là comme ça me plaît, je ne suis plus sûr ! (rires) On verra bien… »
Concerts : Mainvilliers (10/11), Espace Tonkin/Villeurbanne (3/12), Cité de la Musique/Marseille (5/12), Studio de l’Ermitage/Paris (7/12), Manu Jazz Club/Nancy (8/12), Jazz au Fil de l’Oise/Courdimanche (9/12)