HOMMAGE CHUCK BERRY

 

LE TOMBEAU DE CHUCK

Chuck Berry 1957 ok

« Le Roy est mort, Vive le Roy ! »

Qui sait de quel matin le tombeau est la clef ? Qui saurait dire, au lendemain de la mort de Chuck Berry, le « Roi » incontesté du Rock’n’Roll séminal, lequel des trois « après » de Dante Alighieri lui est échu dans l’au-delà?

 

Chuck Berry disque ChessL’homme, Charles Edward Anderson Berry, né à Saint-Louis, Missouri, ne fut certes pas aussi bon dans la vie que son autoportrait à la guitare, dont la faconde naïve nous présentait un Johnny B. Good plus avenant que nature ! Peu importe, c’est le propre de l’art, savant ou populaire du reste, de sublimer le réel et le destin. Par ailleurs, Dieu sait si la réalité et la destinée de Chuck furent rudes et douloureuses à son endroit, cela permet de comprendre sa personnalité, aussi généreuse sur scène et dans son œuvre qu’elle put être détestable et fantasque à la ville. Un drôle de bonhomme attachant et méprisable à la fois, que l’on adore autant qu’on le déteste, voilà le point de vue d’un certain Keith Richards. Bref, l’amour vache, la contradiction, le mythe !

Une relecture de Hail ! Hail ! Rock and Roll, le documentaire réalisé en 1987 par Taylor Hackford, qui donne à voir deux performances scéniques de Chuck Berry tournées en 1986 pour les 60 ans de l’artiste, s’impose aujourd’hui pour reprendre le pouls de la vénération des « angliches » pour le Petit Père du Rock. Le second disque de bonus est une perle absolue, où la délectation de l’humour du Chuck le dispute à l’énervement qu’impose son cynisme ! Un grand moment, assurément…

Aussi, à l’heure précise où son âme est pesée par le Très-Haut, la grande histoire des musiques populaires, ici-bas, l’a d’ores et déjà sauvé, parce que nous savons qu’il fut le Rock’n’Roll personnifié, le Roi qui, comme chacun sait, est de droit divin. John Lennon disait que s’il fallait trouver un autre nom pour « rock’n’roll » on devrait l’appeler le « Chuck Berry » ! Et qu’est-ce que c’est que le Rock’n’Roll après tout ? J’en donnerai cette définition, qui vaut ce qu’elle vaut : c’est l’attitude éveillée par excellence, une force vive, une sensualité subjective, la dignité reconquise des déclassés sociaux et le pouvoir de se faire respecter en dérangeant l’ordre établi, en attirant l’attention sur soi au cri sauvage de Hail ! Hail ! Rock and Roll ! Plus encore, derrière ce discours insouciant et a priori inconsistant, c’est la forme de contre-culture la plus efficace possible car, comme le faisait si bien remarquer en un autre lieu et un autre temps ce brillant contestataire que fut Vaclav Havel :
« La chanson contestataire amuse les puissants, le cri gratuit les fait trembler! ».

Au beau milieu des années soixante-dix, Frank Zappa disait : « Jazz is not dead, it just smells funny », on peut tout aussi bien dire cela de la flaque de néant qu’est la musique dite « rock » d’aujourd’hui. Par le passé, à la fin des années soixante, puis au début des années quatre-vingts, Chuck Berry n’en finissait pas d’inspirer chaque nouvelle phalange du rock généraliste dès que celui-ci avait besoin de se réinventer une virginité. Gageons que la disparition de Johnny B. Good en personne redonne l’envie aux jeunes rockers de mordre de toutes leurs dents ! •

Le Roi est mort, Vive le Roi !

 

Arnaud Legrand
Arnaud Legrand

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