Gregg Beslisle-Chi
Book of Hours
Investi d’une dimension spirituelle sensible à l’écoute de ses textures comme de son architecture, “Book of Hours”, le nouvel album du guitariste new-yorkais Gregg Belisle-Chi (sorti en mai chez Ears & Eye Records), fait entendre une musique qui tranche avec la production ambiante. Dans la mouvance de figures comme Bill Frisell ou Ben Monder, Gregg Belisle-Chi développe un langage profondément original, tant dans l’écriture musicale que dans l’expression instrumentale.
Pouvez-vous partager avec nous votre expérience musicale ? Comment avez-vous commencé à jouer de la guitare ?
J’ai commencé à jouer vers 12 ou 13 ans. Mon père avait une guitare Hohner rouge, de style strat, qui traînait dans un coin. Il est violoniste et il voulait que je joue du violoncelle. Mais j’étais beaucoup plus intéressé par le rock. J’ai écouté beaucoup de disques et j’essayais de jouer par-dessus. Puis j’ai pris des cours de guitare avec plusieurs professeurs dans la région. Un jour, je suis tombé sur un livre de solos de Charlie Christian et je m’y suis complètement perdu ! J’ai écouté un premier disque de Benny Goodman et j’y ai réfléchi toute la nuit. Ça m’est encore arrivé quand j’ai entendu Joe Pass pour la première fois. C’est ainsi que, pendant mes études secondaires, j’ai fait la transition vers l’apprentissage du jazz, autant que possible.
Quelles sont vos principales influences ?
Je ne peux pas dire que j’aie une influence majeure. J’essaie de diversifier mon écoute autant que possible. En ce moment, j’écoute beaucoup de Stravinsky. L’autre semaine, j’ai écouté toute la discographie de Devo. J’ai traversé une grande phase avec John Coltrane. Donc, ça change vraiment d’une semaine à l’autre, d’un mois à l’autre. Dans les guitaristes, j’adore Ben Monder, Bill Frisell, Blake Mills, Marc Ducret, David Torn, beaucoup de monde…
Quelles relations entretenez-vous avec certains d’entre eux, comme Bill Frisell ou Ben Monder ?
Bill est un ami que j’ai rencontré à Seattle il y a plusieurs années. Je jouais dans un groupe appelé Scrape, qui était un orchestre à cordes avec guitare, et Bill était un artiste invité. Nous avons donné plusieurs concerts ensemble et il est devenu pour moi un mentor ou un modèle. J’ai beaucoup appris de lui. Ben, je ne l’ai rencontré qu’en de rares occasions, mais je l’écoute depuis que j’ai 18 ans. J’ai entendu son album “Dust” quand j’étais au lycée et ça a changé ma vie. C’est drôle, mais Bill et Ben vivent pas très loin de chez moi, à Brooklyn.
Dans votre dernier album, cette série de pièces, sous la forme d’une “Messe”, évoque une dimension spirituelle. En quoi cette dimension est-elle inséparable de votre musique ?
Je commencerai par dire que je ne me considère pas du tout comme une personne religieuse ou spirituelle, mais je reconnais que l’art est une chose profondément mystérieuse, qui est spirituelle par nature. En ce sens, je dirais que la spiritualité est inséparable de toute musique !
La musique enregistrée dans cet album, composée à l’origine pour orchestre de chambre de jazz, a été spécialement adaptée ici pour guitare, piano Wurlitzer, basse et batterie. Comment avez-vous travaillé avec vos partenaires ? Quelle part laissez-vous à l’interaction et à l’improvisation ?
C’était beaucoup de montage. J’ai pris la partition de la version pour orchestre de chambre, j’ai gardé ce qui me semblait essentiel et j’ai jeté le reste. Le Wurlitzer pouvait jouer beaucoup de parties, mais je ne voulais pas que le son soit trop dense. L’improvisation a toujours fait partie de la pièce, mais dans le cadre du quatuor, le groupe pouvait prendre plus de liberté dans l’interprétation de la musique. Je dirais qu’il y a toujours de l’interaction, car le groupe est toujours à l’écoute.
Pouvez-vous expliquer votre approche de la guitare électrique ? Il semble que la recherche sur le son (quasi comme une “substance”) fait vraiment partie de votre expression…
Le son est très important. Le temps est très important. Ce sont les deux choses que j’essaie toujours d’améliorer à la guitare. Un de mes professeurs m’a dit un jour de jouer de la guitare comme de la batterie, de façon à ce que tout ce que vous jouez ait une place, rythmiquement et “soniquement”. J’essaie toujours d’être conscient de ces deux choses, avec plus ou moins de succès !
Pouvez-vous décrire le matériel que vous utilisez ?
Mes deux guitares principales sont une Fender Telecaster américaine et une Stratocaster japonaise. Mes pédales tournent tout le temps. J’utilise un boost Empress Buffer +, un Ibanez Mini Tube Screamer, une Catalinbread Katzenkönig, un delay MXR Carbon Copy, une Line 6 DL4, une reverb/trémolo Strymon Flint, une Neunaber Slate, une TC Electronic Hall of Fame 2, un octaver TC Electronic Sub’N’Up, un preamp JHS Colour Box, une pédale de volume Lehle, un compresseur Keeley, un overdrive J. Rockett Allan Holdsworth signature. Il y en a beaucoup, et d’autres à venir ! Pour les amplis, j’utilise un Fender Deluxe Reverb, un Fender Princeton Reverb et un combo Jack Anderson 10 pouces, 10 watts.
Parlez-nous de votre expérience d’enseignant. Selon vous, quelle est la chose la plus importante à transmettre dans l’enseignement de la musique ? Quelle est votre approche ?
Je me concentre sur les fondamentaux. Tant que vous avez les bases et une imagination infinie, je ne pense pas que vous puissiez vous tromper dans quoi que ce soit.