GUITARE EN MAINS DENYS LABLE

Guitare en mains
Denys Lable
Les couleurs du blues

DL4 Portrait N&B au bottleneck

De ses premiers groupes, au mitan des années 60, à son dernier album solo, voilà bientôt un demi-siècle que Denys Lable arpente les scènes et les studios, guitare en mains ! Si Denys a exercé ses talents auprès du gratin de la chanson française (de Julien Clerc à Francis Cabrel, en passant par Michel Jonasz et Michel Berger…), il n’a pour autant jamais cessé de « cultiver son jardin » de musicien et de guitariste. En atteste la parution récente de son troisième album sous son nom, Archtop électrique (Aztec électrique/Rue Stendhal).

Pour l’amour des archtop
« Dans le parcours d’un guitariste, il y a toujours un moment où t’as envie d’être en contact avec ce genre d’instrument, en tout cas en ce qui me concerne », avoue Denys, qui évoque ces « guitares à caisse » découvertes sur les pochettes de disques dès l’âge de 12 ans. Pour ce nouvel album, l’artiste a eu recours à quelques beaux spécimens, à commencer par une superbe Gibson L5 CES blonde de 1968. « Je suis tombé dessus dans un magasin à Paris. J’ai eu l’impression que c’était envoyé par le seigneur ! McLaughlin avait failli la prendre (on s’était retrouvés ensemble dans le magasin par le plus grand des hasards). J’ai tenu bon, je l’ai gardée ! » Autre pièce de choix à son palmarès, l’Epiphone Zephyr cutaway de 1955 dénichée par son « alter ego » Crapou (Gérard Kawczynski, malheureusement disparu en avril 2014), équipée d’un micro DeArmond. Sur ce type d’instrument, en configuration « solo », le guitariste peut « laisser libre cours à son esprit ». « L’idée de jouer et de faire un peu l’orchestre, c’est un truc qui me plaît énormément. La guitare archtop évoque ça », ajoute Denys.

Les accords et l’harmonie
« J’ai une formation rock/blues on va dire, au sens large du mot, explique l’intéressé. Mais avec le temps, c’est vrai que j’utilise moins le médiator, j’ai le réflexe de jouer aux doigts. Même quand je prends une Telecaster ou une solid body, qui sont quand même des instruments qui ont une grande part aussi dans tout mon parcours, naturellement j’ai tendance à jouer souvent aux doigts… Je suis toujours attiré par les choses un peu nouvelles, qui font « avancer »… Les accords, les harmonies, j’aime ça énormément ! »

Ma personnalité guitaristique, c’est une couleur blues, quoi que j’aborde.

Du côté des origines
Quand on est issu, comme lui, d’une famille de musiciens plutôt « classiques », comment naît cette passion pour la guitare ? « Ça a été un tilt, avoue Denys. Quand on était gamins, à un moment, on a déménagé, et dans le déménagement, il y avait une vieille guitare qui appartenait à un oncle, une « Vieux Paris ». D’un seul coup, il y a eu un truc qui s’est produit. On prend la guitare devant la glace, on la tient… Ça a été un peu le démarrage, avec le rock’n’roll et le blues… Les premières choses qui m’ont frappé, c’est peut-être la musique noire. Les MG’s, Otis Redding, Steve Crooper et son jeu de sixtes, tout ça a été des… petits spots lumineux ! Ce sont les premiers chocs importants. En France, on n’accompagnait pas les chanteurs de cette façon-là ! Après, il y a eu quand même, c’est vrai, le solo d’I Feel Free, les Cream, Clapton, les Bluesbreakers. En gros, je viens un petit peu de là ! Ma personnalité guitaristique, c’est une couleur blues, quoi que j’aborde en fait. Sans que ce soit réfléchi ou pensé… »

De Julien Clerc à Michel Berger
Adoubé par Michou Libretti (guitariste des Sharks), qui lui met « le pied à l’étrier », Denys effectue ses premières « séances » en studio. « Je me suis retrouvé un jour à faire une première séance chez Barclay. On jouait Only You pour Peter Holm, un chanteur suédois qui avait du succès à l’époque. A partir de là, ça s’est un peu enchaîné… ». Mais le vrai « démarrage professionnel » date de mars 1971, lorsque Denys se retrouve guitariste de Julien Clerc, « d’abord à la scène, puis en studio ». « Après, je lui ai formé une équipe de musiciens, on a même fait des arrangements de disques un peu cultes, comme « Terre de France », précise-t-il ». Parmi les expériences marquantes qui suivront, la collaboration avec Michel Jonasz, au sein d’une équipe réunissant Gabriel Yared, Patrice Tison, Jannik Top, Alain Dahan… « On travaillait comme des fous, et il y a quelques albums de Jonasz avec des merveilles – je pense à une chanson comme 25 piges dont 5 au cachot… ». Avant la rencontre avec Francis Cabrel, qui marquera un tournant décisif, et un compagnonnage de plus d’une vingtaine d’années (jusqu’à l’album « Vise le ciel »). « On m’avait demandé de venir faire un album pour Cabrel au studio du Palais des Congrès, raconte Denys. C’était « Photos de Voyage », sur lequel il y avait Encore et encore. On a fait ce disque-là, puis « Sarbacane ». Après, Cabrel m’a demandé de partir sur scène avec lui. Musicalement, quand t’es guitariste, à cette époque, c’était « la » place… Cabrel fait partie de ces chanteurs qui font passer quelque chose. A ce moment-là, tu ne fais pas semblant, tu y vas vraiment ! » C’est au cours de cette période que Denys rencontre également Michel Berger, avec lequel il enregistrera notamment l’album « Double Jeu ».

Cabrel fait partie de ces chanteurs qui font passer quelque chose. A ce moment-là, tu ne fais pas semblant, tu y vas vraiment !

Autour du blues
Parallèlement, Denys a « toujours eu besoin de créer un peu des choses ». « L’idée d’être simplement un requin de studio assis dans son truc, c’est pas du tout ça qui me branchait, explique-t-il. Faire un tube n’a jamais été un moteur pour moi ». Ce qui le conduira à publier « Crystal Hotel » (1988), premier album sous son nom (bientôt réédité en CD), suivi en 1994 de « Crapou & Lable », sur lequel figure « à peu près tout le gratin de l’époque ». C’est également dans cette perspective que s’inscrit le projet « Autour du Blues », dont Denys endosse la responsabilité artistique (cf. notamment le DVD « Autour du Blues Vol. 2 », paru en 2003).

DL14 CD Crystal Hotel (1988, rééd. 2016) DL15 CD Crapou & Lable (1994)

Revenant sur la naissance de son dernier album, Denys résume ainsi son credo artistique : « Tout le travail fait en studio, quand tu accompagnes des gens, fait que ma guitare a toujours été placée par rapport au chanteur, par rapport à la voix… Il y a toujours eu ce truc-là chez moi, peut-être un « sens du placement ». Donc je pense qu’il y a ça naturellement dans mon jeu de guitare… La virtuosité n’est pas forcément dans le côté ostentatoire du « croque-notes » on va dire. C’est bien de pouvoir le faire, je l’ai fait aussi… Mais c’est agréable de pouvoir jouer tout seul de la guitare. C’est une expérience que je voulais faire ! ». •

 http://www.denyslable.com

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