Rich Robinson
The Magpie Salute
Membre fondateur des Black Crowes (séparés en 2015), Rich Robinson a réuni à l’été 2016 quelques-uns de ses ex-acolytes (Marc Ford – guitare, Sven Pipien – basse, Eddie Harsch – clavier) pour une série de shows enregistrés live au studio Applehead de Woodstock. Ces sessions donneront naissance au premier album (live) de ce nouveau groupe, « The Magpie Salute ».
Après la parution de « High Water 1 » (leur premier album studio, sorti à l’été 2018),
rencontre avec le maître de cérémonie, adepte du « parler vrai ».
A déguster en direct le 10 novembre à l’Elysée Montmartre !
Ton nouveau groupe s’appelle The Magpie Salute (littéralement, « le Salut à la Pie »), un autre nom d’oiseau (après « les Corbeaux Noirs », ndr). Peux-tu nous expliquer l’origine de ce nom ?
La pie est un cousin du corbeau. Les pies sont en général noires et blanches. Dans la culture populaire, elles sont considérées de manière plus « nuancée », alors que les corbeaux sont vraiment « noirs » ! (Rires) Il existe une mystérieuse connotation, assez sombre, autour des corbeaux. Donc, lorsque nous nous sommes retrouvés avec Marc, Eddie et Sven pour les shows que nous avons donnés à l’été 2016, juste avant qu’Eddie ne nous quitte (Eddie est décédé en novembre 2016, ndr), je cherchais un nom pour nos retrouvailles. J’ai pensé à ce cousin du corbeau. Ça rassemble la lumière et les ténèbres, et l’on salue la pie en disant : « Good morning Captain », qui est un morceau des Black Crowes (selon une superstition anglo-saxonne, les pies seraient un symbole de malheur, les saluer reviendrait à éloigner le mauvais sort, ndr). Donc j’ai pensé que tous ces éléments pointaient vers ce nom-là !
Votre premier album studio est sorti le 10 août, avant d’en parler, j’aimerais que tu évoques ta relation avec la musique et tes influences.
J’ai toujours été ouvert au maximum, et tous les morceaux qui m’ont fait de l’effet m’ont influencé, peu importe le type de musique. Cela se voit avec le genre de chansons que nous reprenons. Par exemple, l’an dernier, nous avons joué plus de 200 titres lors de notre tournée. Nous changions de set chaque soir, avec des reprises de Big Star, Humble Pie… de Bobby Hutcherson à Pink Floyd, en passant par tous les genres intermédiaires ! Pour moi, l’influence la plus importante est liée au feeling qui me vient de la musique que j’aime. Celle-ci doit être authentique. La musique doit signifier quelque chose. Quelqu’un en parlait précédemment, en disant qu’aujourd’hui les gens vont enregistrer des disques juste pour faire des tournées, au lieu de réfléchir à leur album et de se demander ce que leur création artistique unique va vraiment signifier. Un album, une musique peuvent être si puissants, de mon point de vue ! Si la musique est bien pensée, elle peut vous transporter à tel endroit (celui où le disque a été réalisé), vous donner envie d’y aller, et vous faire vous demander à quoi cela ressemblait lorsque l’album a été enregistré. Je dis souvent : que se serait-il passé si au moment où les Beatles avaient enregistré Let It Be, Paul McCartney s’était arrêté pour prendre un selfie ? Le disque aurait été raté, il n’y a pas de mystères ! Le mystère, c’est de savoir comment cela s’est vraiment passé. Et nous ne le savons pas, nous devons deviner, utiliser notre imagination pour avoir une idée de ce à quoi ces enregistrements ressemblaient. C’est ce que j’aime à propos de ces musiques, et la façon dont ces morceaux ont été créés. Tout découle de l’expérience humaine. Nous évoquons des thèmes universels. Nous jouons et nous écrivons les morceaux, c’est l’expression de ce que nous avons vu et observé dans le monde. C’est notre manière de trouver des solutions, pour nous permettre d’affronter les problèmes et voir le bon côté des choses.
Comment vois-tu la musique aujourd’hui ?
C’est dur, il y en a tellement ! Tout le monde aujourd’hui peut jouer dans un groupe, sans discipline particulière, parce que tu n’as pas vraiment à jouer, tu peux utiliser Pro Tools ou un autre logiciel et tout le monde paraîtra bon. L’art de jouer ensemble a disparu. La même chose arrive dans l’univers des films. Tous ces blockbusters avec ces super-héros sont joués par des supers acteurs, mais ils ne sont pas capables de s’exprimer dans leur environnement, parce que tout est réalisé par ordinateur. Par exemple, ils vont jouer comme s’ils étaient poursuivis par un monstre géant, au lieu d’avoir un échange humain et d’interagir avec un véritable partenaire durant le tournage, pendant que quelqu’un tient la caméra et laisse les acteurs s’exprimer. C’est la même chose pour la musique. On ne laisse pas le groupe s’exprimer devant un micro. Quelqu’un doit être impliqué derrière un ordinateur, tourner tous les boutons, « auto-tuner » les morceaux et en faire ce à quoi ressemble le titre à la fin. C’est un outil utile si tu sais ce que tu fais, mais si tu ne sais pas, c’est juste un raccourci ! Cela permet à des gens sans talent de paraître bon. Et peu importe l’endroit où l’on va aujourd’hui, que tu sois dans un taxi, un aéroport, un magasin, un restaurant, nous sommes inondés par la musique. Il n’y a jamais vraiment de pause, afin de pouvoir choisir d’apprécier un type de musique. Je pense que la plupart du temps, la musique a été reléguée à un bruit de fond, à un simple : « j’aime la musique » – mais qu’est-ce que cela veut dire ? Au lieu d’accéder en profondeur à la musique, de l’écouter et de lui permettre d’être ce qu’elle est.
Avant de parler des morceaux issus de ton dernier album, pourrais-tu nous parler de ton matériel ?
Quand je pars en tournée, j’embarque une vingtaine de guitares, qui couvrent tous mes accordages, parce que j’en utilise environ une quinzaine, et chaque configuration est « doublée », au cas où je casse une corde par exemple. Mes accordages varient. Beaucoup sont en open G, d’autres avec un capo en open G, open E, open D. Il y a aussi un open C, une sorte de D7, je ne sais même pas comment l’appeler ! Parfois, j’accorde la guitare, j’écoute ce qu’il se passe et je compose un morceau basé sur cet accord. J’utilise aussi le DADGAD, et différentes configurations de notes. Donc avec tous ces morceaux, tous les morceaux des Crowes que j’ai l’habitude de jouer en tournée, ainsi que les nouveaux morceaux, il y a beaucoup d’accordages différents ! J’ai des Gibson 335, des Telecaster, une vieille Les Paul Goldtop, des Gretsch : Black Falcon et White Falcon, ainsi qu’une Streamliner de 1956 qui a un son génial. Des Zemaitis (acoustiques et électriques). J’emporte toujours une Dan Armstrong des années 60, qui sonne vraiment bien. J’ai aussi quelques guitares modernes : une 0000 et une Parlor Martin, qui viennent de chez George Gruhn, répliques de modèles des années 40, qu’il avait à ce moment-là. Elles sont incroyables ! En matière d’amplis, sur scène, j’utilise un Vox AC30HH et un Reason (le Rich Robinson Signature !), fabriqué par Obeid Khan, qui a travaillé pour Ampeg mais aussi pour les Rolling Stones, et qui a fait également le nouveau Magnatone. Donc il a fait ce super ampli pour moi et je l’utilise en conjonction avec l’AC30. Ensuite, j’ai un pédalier, deux Echoplex, ainsi qu’une unité de réverbération. En studio, j’utilise mon Reason, avec un Marshall JMP 50 watts de 1971 que j’ai depuis très longtemps. Je pense que je l’ai acheté pour « Amorica », le troisième album des Crowes. J’utilise aussi un Marshall Silver Jubilee que je possède depuis l’âge de 16 ans ! Pour l’album, j’ai utilisé un Bassman (un Fender Splatface Bassman), ainsi que l’AC30, et un Fender Silver Face Deluxe… C’est à peu près tout !
Peux-tu nous jouer le riff de Mary The Gipsy ?
Je devrais réaccorder ma guitare…
Alors plutôt For The Wind ? Parce que, juste pour présenter ce morceau, quand je l’écoute, cela me rappelle la première période de Genesis…
Avec Peter Gabriel ? Cool… Je vais l’essayer alors. Pour être honnête, je ne l’ai pas joué depuis que nous l’avons enregistré !
Merci ! Comment l’as-tu composé ? Tu chantes les notes et tu joues ? C’est juste à l’instinct ? Peux-tu nous en dire plus ?
Comment je compose la mélodie ? Donc, ça, c’est un genre d’introduction. J’ai eu cette idée de « cascader » les accords en le chantant, mais c’est difficile, parce que quand tu le joues, cela sonne différemment. Et malheureusement, lorsque tu enregistres, tu ne peux pas le chanter et le jouer en même temps. Parfois c’est un challenge ! C’est de l’entraînement. Il faut réussir à séparer ton cerveau et ta voix de ce que tu joues, et c’est difficile ! (Rires)
Peux-tu nous jouer un autre morceau de ton choix, extrait du dernier album ?
(Il joue).
Et comment chantes-tu le « 12 bar blues » ?
Comment je le chante ? Je ne l’aime pas !
Tu pourrais jouer un blues avec cet accordage ouvert ?
Je déteste le « 12 bar blues » ! (Rires) … Ça, c’est le blues que j’aime, le country blues. Lightnin’ Hopkins, Sleepy John Estes, Robert Johnson bien sûr. C’est juste comme une symphonie qui sort de cette guitare. Leur style de jeu était si riche, incroyable et viscéral. C’est ce que j’aime ! Si c’est pour jouer ça (démonstration), ça ne m’intéresse pas !
J’ai vu sur ton site web que tu peignais. A ce propos, j’ai lu que pour toi, la peinture et la musique étaient deux choses différentes. Donc quand tu joues, tu joues à l’oreille, et quand tu peints, ce sont des sentiments forts ?
Oui !
J’ai apporté quelques photos de tes peintures. Quand je les regarde, je vois des histoires, et pour moi c’est comme la musique. Par exemple, le pastel va correspondre à un accord mineur, ou majeur… Peux-tu nous expliquer la relation entre ces deux arts différents que sont la musique et le peinture ?
Je vois la musique par l’intermédiaire de formes. Certaines personnes la voient à travers les couleurs, mais pour moi ce sont des formes. J’entends la musique de cette manière, et ces formes doivent être plaisantes, cela doit avoir du sens. Et donc quand je joue, la forme doit être accordée à ce son. Donc je suppose qu’il y a une sorte de connexion entre la musique et la peinture. Il y a le fait d’associer des formes très libres avec des formes solides, exactement comme cette peinture que tu as apportée, où il y a des formes libres et de la perspective. Dans la seconde, celle du milieu, je m’amusais en faisant de la perspective. Et le plus souvent, quand tu fais de la perspective, tu choisis un point de fuite et tu dessines en te basant sur ce point. Donc je me suis dit : ce serait cool de choisir un point et de dessiner trois formes différentes. Donc le dessin est basé sur cette perspective, et ces trois formes découlent de ce point. Mais la manière dont elles se projettent vers le monde extérieur et l’espace nous donne la dimension d’un espace surréel. Cela sépare toutes les formes sur le papier de leur position dans l’espace. Car il y a bien une infinité de possibilités quant à la manière de percevoir la position de ces formes dans l’espace : ce que l’on voit peut être vu de manière différente par rapport à ce que l’objet est réellement. Et d’une certaine manière, ce concept me fait penser aux longueurs des notes et au rythme dans la musique. Parce que tu peux les modifier dans la musique, cela me fascine. Dans la musique de jazz, j’ai toujours été un fan de Thelonious Monk. La manière dont il interprète les mélodies est incroyable. Parfois, il s’agit d’un changement infime, mais cette infime modification est toujours fascinante. En ce sens, avec l’art, j’aime le fait de pouvoir jouer avec les différentes couches. Par exemple avec la peinture, en révélant ce qui se cache « en dessous ». La forme des choses, et la façon dont cela affecte ce que l’on voit, et – si on rapporte ça à la musique – la façon dont cela affecte également ce que l’on entend, c’est ça pour moi la relation entre la peinture et la musique !
En concert le 10 novembre à l’Elysée Montmartre (Paris).
Site : themagpiesalute.com